Haïti
2007 … quelle république libre?
Haïti
2007 … quelle république libre?
Écrit
par le docteur Harry-Hans François, Ph.D.,
N.D.
Nous
sommes aujourd'hui à deux cent quatre années depuis que nos
vieux soldats de l'armée indigène ont chassé les français de
l'ancienne colonie St-Dominguoise. Un événement historique qui
a fait couler et continue encore à faire verser
beaucoup d'encre dans certaines sociétés académiciennes du
monde. Toutefois,
Haïti, comme presque tous les pays enveloppés du globe, a
connu et connait encore des époques pathologiques qui aujourd'hui
aveuglent son peuple et qui, en même temps, les empêchent
d'apprécier l'héritage laissé par ses vieux héros. Et si on
veut aujourd'hui dialoguer sur quelques époques tout-à-fait
signifiantes, marquantes et qui pourtant peuvent faire le
point sur notre identité de peuple contemporain, on doit
obligatoirement se référer à celles des années 57 - 71 …71 -
86 et enfin aux événements sociopolitiques observés entre les
années 86 et 2007.
Qu'est-ce que nous avions vécu au pays pendant les
années 57-71? Certes, c'était l'époque de mon enfance dans ma
ville natale et de mon adolescence en la capitale et, en même
temps, le règne du feu docteur François Duvalier - une époque
où les haïtiens de mon temps attribuaient au "règne de cançon
fer". En effet, le "macoutisme" non seulement faisait chanter
jeunes ou vieux de l'époque, mais aussi les observateurs
étrangers qui ne se respectaient pas. Par voies de
conséquence, la première vague de fuite du cerveau haïtien
surtout vers l'Afrique, l'Europe et les Etats-Unis avait alors
pris naissance pendant le règne de Duvalier. Le petit enfer de
Fort Dimanche ainsi que les kidnappings et fusillades
politiques avaient aussi connu le jour. Et Duvalier ne s'en
foutrait pas mal, car parfois il effectuait lui-même ces
fusillades en public. Il voulait, dit-on, démontrer aux
américains et aux autres grandes puissances du monde que
c'était lui qui était le seul commandant suprême de toutes les
forces du pays.
Ennemi
du mouvement socialiste de l'époque, il utilisait une poignée
de macoutes-étudiants afin de s'infiltrer parmi les jeunes et
aussi de terroriser les adhérents de cedit mouvement. Au
gouvernement dominicain de son temps, il menait une guerre
psychologique froide; ce pour rafraîchir leur mémoire sur le
massacre des haïtiens effectué sous le gouvernement de Rafael
Trujillo y Molina. C'est bien malheureux que nous sommes
devenus aujourd'hui dépendants de cette ancienne colonie; en
effet, 21 ans d'occupation haïtienne imposée par nos anciens
héros aux dominicains.
Duvalier(père)
ne tolérait pas la liberté d'expression - objective ou
perverse. S'appuyant sur ce sophisme, il s'élevait contre la
violence musicale, souvent mal fagotée, de certains artistes
comme Coupé Cloué, les gars de Manman Zo et contre tout groupe
qui osait défier le conservatisme culturel de l'époque; ce
pour protéger la jeunesse et la famille haïtienne contre la
perversité. Ainsi, le groupe musical de Wébert Sicot, de
Nemours Jean Baptiste et celui du Bureau du Tourisme
s’adonnait avec fierté à la glorification de la beauté
naturelle du pays et de notre folklore. Comprenant le jeu des
forces étrangères dans la politique haïtienne des années
(1915-1956), et ceci pour mieux contrôler les diverses couches
populaires du pays, il a éliminé les deux chambres
législatives.
Du côté positif, Duvalier nous a laissé le projet de
l'électricité de Péligre, l'aéroport Dr. François Duvalier de
Maïs Gâté, aujourd'hui dénommé Toussaint Louverture, l'école
des Infirmières Simone O. Duvalier de la rue Mgr. Guilloux,
aujourd'hui dénommée École des Infirmières et de Femmes Sages,
quelques lycées par ci et par là, le pont de Duvalier-Ville,
etc. Duvalier (père)
voulait aussi être sûr que la classe noire fanatisée
fréquentait l'académie militaire, les facultés et des
postes-clés d'administration du pays. Et au printemps de
l'année 1971, Duvalier(père) a passé de la vie au trépas tout
en nous laissant son fils, Jean Claude, comme son
successeur.
Le règne de Duvalier(fils) a duré quinze ans
(1971-1986). La voix populaire aujourd'hui nous rapporte qu'il
était plus progressiste, tolérant, détendu et moins cruel que
celui de son père.
On a vu le retour de l'étranger d'un bon nombre
d'haïtiens qui pourtant avaient laissé le pays durant le règne
du père en compagnie de leurs propres parents. Entre-temps, la
politique américaine de l'époque, par le biais du président
James Earl Carter, réclamait des ouvertures en Haïti. Les
témoins de l'époque arguent que M. Jean Claude Duvalier a fait
de grandes concessions aux poussées de M. Carter. C'est ainsi
qu'on a assisté à l'ouverture de la liberté d'expression et à
la formation des partis politiques aux pays. Alors, on
comprend que le début n'a pas été facile. Et des actes
criminels perpétrés contre la personne de plusieurs
journalistes, de quelques familles innocentes et de membres de
partis politiques restent encore vivifiants en la mémoire des
témoins de cette époque.
En politique administrative, des élections communales
et un référendum constitutionnel ont vu le jour. L'embauchage
des paysans haïtiens vers la république voisine a été
institutionnalisé par le Ministère des Affaires Sociales du
temps. La corruption et le pillage des biens de l'état
s'étaient amplifiés. Les macoutes noiristes, devenus vieux,
ont été écartés du mouvement duvaliériste pour céder la place
au pouvoir des "super-ministres" et aux jeunes académiciens de
l'armée haïtienne.
On a aussi vu la construction de quelques lycées et de
toute une série de clinique médicale communautaire. L'usine
sucrière de Darbonne, à Léogâne, fait partie de
l'accomplissement de M. Jean Claude Duvalier. L'asphaltage de
la route de l'amitié (tronçon Jacmel-Dufort) et celui du morne
Tapion (Grand-Goâve jusqu'à l'entrée de la ville de
Petit-Goâve) ont été effectués sous l'administration de
Duvalier (fils).
Tout cela reste, à mes yeux, l'héritage que M. Jean
Claude Duvalier(fils) a légué au pays. Et puis un beau jour de
février de l'année 1986, un grand oiseau officiel américain
avait posé ses ailes sur le sol haïtien afin d'écarter
Duvalier (fils) loin du pays. Ironiquement, aucune explication
n'a pas été fournie par les grands acteurs (France et
Etats-Unis) du jeu.
Deuxième indépendance, s'exclamaient certains secteurs
politiques en ce jour. Et une année après, une nouvelle
constitution était déjà née. Le Créole, ce jargon tant
apprécié au pays, a enfin trouvé son vrai piédestal. Avec le
créole, Ti L'Église a aussi trouvé ses vrais leaders. En
revanche, les dénominations protestantes - à l'exception des
Adventistes, des Témoins de Jéhovah et de l'Église Épiscopale,
ainsi que les maîtres-chanteurs déguisés en
politiciens/défenseurs du peuple peuvent maintenant faire du
bruit afin de réclamer leur part du butin, car la barrière
linguistique a été renversée. L’église protestante peut enfin
sonner ses trompettes. Peu importe les heures du jour et de la
nuit ou le quartier choisi. Cela ne fait rien car le temps de
repos des gens du voisinage est passé au second plan. Vive la
deuxième indépendance ! A bas le respect des
autres !
La nouvelle démocratie haïtienne des années 86 et 2007
a produit beaucoup d'hommes riches, en fait des super-riches,
parmi les masses et surtout parmi les nouveaux politiciens. A
cet effet, les gouvernements successifs de ces vingt dernières
années - éphémères, militaires ou élus - n'ont pas pu réaliser
de grands projets positifs au pays. Toutefois, on peut
observer la construction de quelques routes neuves du côté de
Malpasse, Cité Soleil, Léogâne, Delmas, Pétion Ville et enfin de Tabarre. On a
aussi vu le montage de quelques petites places bâties dans les
zones populeuses de la cité
métropolitaine.
Le "déchouquage", une forme d'émeutes et de brûlure du
pneu passé au cou de l'être humain, et qui cible les familles
possédées ou les anciens ailiers de Duvalier, refait son
apparition au pays. Ainsi, ces actes d'émeutes n'épargnent ni
l'asphalte des routes, ni les cables téléphoniques/électriques
- des réalisations qui ont été construites avec l'aide des
blancs. En effet, presque tous les bâtiments publics ou privés
et institutions, qui représentaient l'histoire du pays, ont
été détruits pour être remplacés par des dépotoirs
d'immondices ou le vide. Et pour manifester leurs émotions -
joies, mécontentement, victoire du Brésil ou de l'Argentine -
le peuple haïtien, à travers cette nouvelle démocratie qui
leur a été léguée en 1986, a décidé de défier toutes les
normes sociales qui le distingueraient de l'homme primitif ou
enchaîné.
En
revanche, les vertus sociales d'antan, qui inspiraient aux
jeunes le respect à l'égard des aînés et envers la société en
général, ont été remplacées par cette nouvelle attitude: "No
Faith, no religion. En effet, "le sans foi, ni loi" devient
notre façon de voir la vie. La tuerie, le trafic de la drogue
et du faux dollar, l'assassinat ciblé comme le kidnapping
deviennent pratique démocratique courante et ainsi font partie
de la grande économie sous-terraine au pays. Somme toute, il
existe actuellement au pays un très haut degré de mépris à
l'égard des lois et de la vie humaine.
Des
milliards de dollar américain ont été investis dans la
sélection électorale haïtienne - en effet, un véritable
commerce qui pourtant fait rire aux observateurs.
L'agriculture, la source de revenus la plus utile aux grands
pays exportateurs, ne vaut plus grande chose en Haïti. La
présence physique des forces étrangères au pays se fait
incessamment sentir depuis l'atterrissage de l'année 94
orchestré par M. Willaim J. Clinton. C'est comme si on serait
des coqs de bataille et qu'on ne peut pas contrôler notre
propre liberté. Aujourd'hui, l'on se demande sans ambage:
quelle république libre ou qui
sommes-nous?
Selon moi, Haïti reste aujourd'hui ce petit pays occupé
et prisonnier du super-égo de quelques hommes incivils,
corrompus, pervers, insouciants voire même insensibles ou
ignorants de leur propre histoire de peuple libre. A cet
effet, je dirais que les événements sociopolitiques qui se
sont déroulés entre les années 57 et 2007 me démontrent
clairement que nous sommes aujourd'hui plus enchaînés qu'avant
l'année 1804. Et j'ajoute: un peuple, qui refuse de dialoguer
en groupe sur des choses utiles, de protéger ses ressources
naturelles, de corriger ses propres institutions et qui
s'amuse à embrasser les laideurs ou les grossièretés de la
sous-culture étrangère. est condamné tôt ou tard à aller à
l'embouchure.
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